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 « L’ennui naquit un jour de l’Université. » [IVOR]

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Ashling
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Ashling


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MessageSujet: « L’ennui naquit un jour de l’Université. » [IVOR]   « L’ennui naquit un jour de l’Université. » [IVOR] EmptyVen 1 Juin - 11:01

Ashling inspira profondément et afficha son plus charmant sourire. Elle n'avait pas envie d'être là mais on ne lui avait pas vraiment laissé le choix... En voyage à Orion pour discuter affaires avec un fournisseur de métal, elle en avait profité pour se reposer dans la demeure secondaire de ses parents. Eux-même n'étaient pas là, les obligations du domaine familial les retenant sur les terres de Fenrode. C'était donc en digne représentante de sa famille qu'Ashling avait le devoir de se présenter à toutes les fêtes, tous les bals, toutes les animations auxquels elle était conviée. Heureusement, le prétexte du travail la sauvait à moitié, lui évitant les plus barbantes de ces réunions prétentieuses. Mais ce soir, elle n'avait pas d'excuse valable.

La soirée était organisée par une famille bourgeoise de la ville. Pas vraiment de la très haute société mais comme Ash avait reçut une invitation et qu'il était terriblement malvenu de refuser, elle avait été obligée d'accepter avec un sourire. Et voila que désormais elle était devant les grandes portes ouvertes, vêtue avec beaucoup d'élégance et de sobriété, portant aux oreilles et au cou des bijoux d'une finesse remarquable conçus par elle même. Ses longs cheveux étaient relevés en une coiffure élégante et complexe de nattes et de boucles. En guise de maquillage, un simple trait noir au-dessus des cils était suffisant. Elle n'allait pas chez l'empereur, pas la peine d'en faire des tonnes avec une robe froufroutante, celle qu'elle portait lui allait très bien et suffisait. De quoi souligner ses formes et l'habiller convenablement. La demoiselle gravit les trois marches qui la séparait de la salle de réception et entra avec une ombre de sourire sur le visage. Un majordome l'annonça et la maîtresse de maison se précipita, essayant de ne bousculer personne avec son énooorme robe.

« Mademoiselle la Duchesse de Fenrode, c'est un honneur de vous compter parmi nous ce soir ! Avez-vous fait bon voyage ? Les rues étaient-elles dégagées ? »

« Oui, merci. Je n'habite pas si loin vous savez, ce n'est pas bien difficile d'arriver ici. »

Aimable, douce mais plus froide de la pierre...L'héritière Blanchebrume semblait être à l'image des bijoux qu'elle confectionnait: sublime mais glacée. Une peu déstabilisée par cette entrée en matière, la dame l'invita à entrer et à se servir. Elle lui fit la conversation un moment avant de se trouver une excuse pour filer loin. Ash soupira de soulagement en son for intérieur. C'était dur de faire semblant parfois. Se tenir bien droite, avoir toutes les bonnes manières possible, répondre avec toujours cet air souriant et hypocrite...

Avisant du coin de l’œil un endroit moins peuplé près d'un rideau, la jeune duchesse s'y dirigea avec la coupe qu'elle tenait entre ses mains. Là on la laisserait un peu tranquille. Entre les regards courroucés des femmes et celui intéressé et assumé des hommes, Ashling trouvait que cette fête ressemblait décidément beaucoup aux autres. Elle resta un moment silencieuse dans son coin à regarder les invités bavarder et à écouter l’orchestre qui jouait dans un coin avant de chercher à regarder derrière le rideau. Peut-être qu'il y avait un balcon par lequel elle pourrait fuir ? Mais non, c'était en fait un couloir. Intriguée et surtout persuadée que personne ne remarquerait son départ, la belle se glissa entre les tentures avec un sourire. La pénombre et les bruits désormais étouffés par l'épais rideau l'accueillirent avec chaleur et elle s'autorisa enfin un soupir d'aise. Un sourire heureux aux lèvres, elle entama son exploration. S'il y avait bien une chose qu'elle pouvait se permettre en temps que noble, c'était de se promener chez les autres. Elle avait développé une série d'excuses toutes plus belles les unes que les autres pour justifier sa présence dans le moindre recoin d'une demeure et jamais personne n'irait faire de reproches à une duchesse. Arpentant le couloir d'un pas serein et feutré malgré ses talons, elle passa devant plusieurs pièces faiblement éclairées jusqu'à tomber sur quelque chose qui attira son regard. L'éclat d'une flamme sur le lustre d'un piano.

La porte étant presque entièrement ouverte, Ash se permit d'entrer et de refermer sans clancher derrière elle. Seule deux ou trois bougies éclairaient la pièce mais c'était suffisant pour la vision excellente de la jeune fille. Un superbe piano trônait près d'une haute fenêtre. On trouvait également un violon, une flûte posée dans son étui sur une table et une harpe. Ravie de sa découverte, la petite duchesse tendis l'oreille pour vérifier qu'elle n'entendait plus rien. Les rumeurs des conversations et de la musique étaient à peine perceptibles, elle pouvait donc jouer en toute discrétion. Sans aucune hésitation, elle choisit la harpe et s'installa sur le petit tabouret prévu à cet effet. Posant la coupe encore à moitié pleine sur une table basse non loin, elle prit le temps de s'installer confortablement avant de poser ses doigts fins sur les cordes. Les notes, d'abord timides et lentes se firent rapidement plus assurées et vives à mesure que la musicienne reprenait ses bonnes habitudes. Bientôt ses mains délicates couraient entre les cordes, faisant naître une averse d'accords harmonieux qui habillaient la pièce d'une atmosphère féérique. Cette soirée serait finalement moins ennuyeuse que prévue.
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Ivor de Taël
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MessageSujet: Re: « L’ennui naquit un jour de l’Université. » [IVOR]   « L’ennui naquit un jour de l’Université. » [IVOR] EmptyVen 1 Juin - 11:59

Aujourd'hui était jour de fête! Encore une réception, l'une de ces longues, si longues soirées organisées pour se faire mousser auprès de gens plus riches et plus puissants qu'eux... Ivor éprouvait un mépris tout aristocratique envers la bourgeoisie, mais évitait avec soin de le montrer car ils représentaient l'essentiel de ses employeurs. Cependant, cela ne l'empêchait pas de faire preuve de sa coutumière impertinence en se permettant, par exemple, d'arriver en retard aux réceptions. De toute manière il n'était qu'un simple précepteur, et puis Monsieur et Madame pardonnaient sans peine les excentricités de l'intellectuel volubile qu'ils payaient grassement pour éduquer leurs enfants mal élevés.

Ivor avait donc, la mort dans l'âme, délaissé son refuge qui était la salle de musique pour aller revêtir ses habits de fête, certes un peu élimés mais toujours élégants. Si la soirée se déroulait de la même manière que toutes les autres, il était parti pour tenir le crachoir à de vieilles et grosses bourgeoises pendant que d'autres allaient courtiser les demoiselles les plus jeunes et les plus jolies avant même qu'il eut pu les voir. Les enfants de la maison en profiteraient également pour lui baver sur les rouleaux, bref, il se coucherait encore tout seul en haïssant toute la maisonnée et le monde alentours. Cela dit c'était toujours mieux que de se coucher seul ET dehors, mais Ivor restait un éternel insatisfait.

Cette fois, il avait prévu un plan de repli, au cas où la soirée s'annoncerait aussi ennuyeuse que les autres, et prévoyait une retraite stratégique vers la salle de musique. Il y avait laissé les lampes brûler, pressentant qu'il aurait rapidement recourt à une fuite précipitée, et lorsqu'il passa devant la porte laissée ouverte, occupé à défroisser les pans de son habit, son oreille fut chatouillée par une mélodie délicate.

Passant la tête par l'ouverture, il aperçut une jeune femme assise, occupée à tirer d'une harpe des sons à faire pleurer les anges. Elle lui tournait le dos, et une coupe encore pleine était posée près d'elle. Vu sa tenue, elle était sans doute l'une des invitées du maître de maison; finalement, la soirée s'annonçait sous de meilleurs auspices...
Très doucement, marchant comme un chat sur les épais tapis pour ne pas se faire entendre d'elle, il s'approcha du piano, et en tira le tabouret pour s'y asseoir. De là où il était assis, il pouvait voir les mains de la jeune femme, habiles, qui glissaient et pinçaient les cordes pour en tirer des sons mélodieux et cristallins. Elle était douée, très douée, et pour ce qu'il pouvait en voir, tout aussi jolie. Ivor sourit, ravi, mais ne fit aucun bruit, sans savoir si la demoiselle l'avait repéré ou non.

Très doucement, il souleva le couvercle du piano, posa ses doigts sur les touches et attendit un instant. Il ne connaissait pas la mélodie qu'elle jouait, mais en bon musicien il savait tout aussi bien improviser, et l'air était assez simple pour qu'il puisse s'immiscer dans la musique sans trop d'embûches.
Une pause, il ferma les yeux, se concentra sur la musique et d'une pression des doigts, fit naîte à son tour quelques notes, douces et feutrées, qui se mêlèrent soudain à la mélodie jouée par la jeune femme. Doucement, très doucement, presque inaudibles d'abord, les notes s'élevèrent en gagnat chaque seconde plus de force, suivant le thème en l'enjolivant un peu, et les deux airs s'entrelaçaient, s'emmêlaient et se séparaient soudain. Ivor ne cessait de jeter des coups d'oeil à l'inconnue, suivant le mouvement de ses mains, essayant même parfois de l'anticiper.

Il souriait, le bougre, alors que ses doigts squelettiques couraient sur les touches dont l'ivoire jauni ne faisait que rendre sa peau plus pâle encore. Il souriait aussi d'avance de la réaction de la jeune femme, curieux, intéressé et amusé tout à la fois. Elle semblait jolie, elle était bonne musicienne, tout pour lui plaire...
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Ashling
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MessageSujet: Re: « L’ennui naquit un jour de l’Université. » [IVOR]   « L’ennui naquit un jour de l’Université. » [IVOR] EmptyVen 1 Juin - 12:50

Tellement absorbée par la mélodie qui lui rappelait bien des souvenirs, la jeune femme n'avait pas entendu arriver son spectateur discret. Les notes du piano étaient si douces et accompagnaient si bien la harpe, qu'elle n'eut pas vraiment conscience dans un premier temps, que quelqu'un l'accompagnait. Cependant, quand sa mélodie se freina doucement pour entamer un passage plus calme, elle remarqua le léger décalage avec le piano. Ses mains avaient retrouvées leurs repères et jouaient presque toutes seule ce qui permit à la demoiselle de tourner la tête pour voir qui jouer dans son dos. C'était un jouvenceau plutôt grand et malingre de ce qu'elle pouvait en voir. Il ressemblait au spectre d'un jeune noble tant sa peau était blanche et tirée. Mais un sourire flottait sur son visage et adoucissait ses traits. Il lui lança un coup d'oeil qui la laissa de marbre tant elle était surprise de le voir. Ash n'avait pas le souvenir de l'avoir croisé dans la salle de bal. Mais après tout, elle n'avait pas vraiment fait attention a qui s'y trouvait.

Elle resta un moment à le scruter sans cesser de jouer avant qu'un léger sourire ne vienne illuminer son visage. Et elle reprit sa position pour terminer son morceau. La mélodie des deux instruments ensemble était très agréable à entendre et plutôt atypique. Il était doué, assez pour pouvoir improviser sur ce qu'elle même était en train de jouer. Ashling avait déjà joué avec une autre personne mais jamais aussi habile bien qu'une partition lui soit fournie. C'était plaisant d'avoir un partenaire qui puisse suivre le rythme et broder autour. Le morceau touchant à son terme, la jeune femme tira les dernières notes de son grand instrument avant d'en écarter ses mains tandis que la dernière cordes chatouillée vibrait encore. Le silence reprit ses droits rapidement. Dans un froissement de tissu, la jeune noble se tourna vers son collègue musicien et lui adressa cette fois un sourire chaleureux. Elle ne pouvait qu'être enchantée de l'avoir en sa compagnie puisqu'il était si bon pianiste.

« C'était très bien joué, vous avez beaucoup de talent. Je ne pensais pas qu'on puisse allier un piano à la harpe sur cette mélodie. »

La belle avait apprit à jouer dès son plus jeune âge. C'était une obligation à laquelle elle ne pouvait pas se soustraire, comme tous les jeunes nobles. Mais elle avait eut le privilège de pouvoir choisir elle même ce qu'il lui plairait de jouer. Son père l'avait un jour emmené à un grand concert pour qu'elle puisse apprécier plus concrètement la musique et entendre chaque instrument digne d'elle. Pensant que comme beaucoup elle choisirait la flûte, le violon ou le piano, il fut surprit de la voir si fascinée devant la grande harpe. Les leçons se passèrent dans les meilleures de conditions, la jeune fille aimant son instrument plus qu'aucun autre. Elle se révéla douée et patiente, autant que dans son métier. Quand elle déménagea pour s'établir dans la capitale, ses leçons prirent fin et elle en fut attristée. Mais elle ne trouvait pas le temps de reprendre ses séances musicale et avait finit par abandonner cette idée en quelques mois. Elle ne renonçait cependant pas à celle de s'offrir un jour une belle harpe pour pouvoir continuer de jouer chez elle.

Elle observa un peu plus attentivement l'inconnu: il avait le maintient due à une bonne éducation et ses habits étaient de qualité. Quoi qu'un peu défraîchis peut-être. Il portait les cheveux longs et ses mains étaient si longues et si minces qu'elle semblaient être celles d'une vieille femme. Il avait l'air fatigué. Peut-être sortait-il d'une longue convalescence ? Quoi qu'il en soit, son visage n'évoquait rien à la demoiselle qui pourtant connaissait beaucoup de grands d'Elysphère.
Comme elle était une dame de haute naissance, elle se devait d'attendre sagement qu'on vienne la saluer. Ce n'était pas à elle de se lever.

« Et puis-je avoir l'honneur de connaître l'identité de mon mystérieux pianiste ? »

Si seulement le jeune Roncenoir savait jouer du piano aussi bien...Elle le détesterait peut-être moins ?
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Ivor de Taël
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MessageSujet: Re: « L’ennui naquit un jour de l’Université. » [IVOR]   « L’ennui naquit un jour de l’Université. » [IVOR] EmptyVen 1 Juin - 14:50

Ivor sourit en croisant le regard de la jeune femme, lorsqu'elle se tourna vers lui. Tout, dans le tableau qu'elle offrit, semblait s'accorder comme si cela avait été prévu: la belle ressemblait à sa musique, cristalline, délicate, comme le tintement léger de perles et de cristaux de glace. Une reine des neiges, chevelure pâle et peau laiteuse, et une aristocrate à n'en pas douter.

Le jeune homme salua d'un signe de tête discret, et puis s'en retourna à sa musique, ménageant quelques silences, écoutant attentivement ce qu'elle jouait. Il ne pouvait s'empêcher de décortiquer sa manière de faire, sans critique, juste par curiosité et parce que s'il y avait encore en ce bas monde quelque chose qui eut encore de l'importance à ses yeux excepté son propre confort, c'était bien la musique.
Et puis dans une pirouette, quelques notes effleurées, leur chanson s'acheva alors que la dernière corde pincée vibrait encore d'un son délicat. Ivor resta immobile un instant, comme pour profiter encore une minute du silence qui se fit peu à peu, comme pour savouer la musique jusqu'au dernier bruissement. Alors qu'il fermait brièvement ses longues paupières cernées, il y avait sur son visage effilé une douceur inhabituelle, qui donnait à son regard gris acier une impénétrable sénérité.

Très doucement, il prit le temps de refermer le couvercle du piano, ses longues mains agiles manipulant délicatement le battant de bois qui se replia sans le moindre bruit. Ses yeux se posèrent sur la jeune femme quand elle parla, le félicitant pour sa prestation; soudain ses allures de princesse des glaces s'étaient un peu effacées, tandis qu'il lui offrait le plus joli sourire qu'il eut pu contempler depuis longtemps.

-Le compliment me touche, ma dame, répondit-il très poliment. Il m'a fallu me hisser à votre niveau, je n'aurais pas voulu oser gâcher votre musique en ne me montrant pas à la hauteur.

La flatterie était à peine voilée mais Ivor était ainsi, toujours le joli mot à la bouche, surtout quand il était seul à seul avec une belle et jeune dame. Il avait cependant le mérite de n'être jamais mielleux, ce qui le dédouanait toujours des accusations qu'on pouvait lui faire; toujours élégant, mais jamais servile ou inutilement flatteur. Ou seulement quand il avait quelque chose à demander et qu'il pouvait se passer de déguiser ses paroles sous le masque de la simplicité.

Un instant de silence passa, et il se sentit observé par la jeune dame, qui en retour se voyait toute autant détaillée des yeux. Ivor sourit imperceptiblement, curieux sans aller jusqu'à l'impolitesse. Quelques détails attirèrent son attention, notamment qu'il s'agissait sans doute possible d'une Nirtémis, et que sa nature devait probablement pencher vers quelque chose de plutôt félin. Les discrets tatouages sur sa gorge et son front étaient plutôt étonnants venant d'une dame de la haute aristocratie, mais peut-être était-ce là le signe d'une quelconque excentricité, ce qui attisait encore sa curiosité. Il devinait là une femme de caractère, intelligente à n'en pas douter, bref quelqu'un qu'il ne devait pas prendre à la légère et dont il pouvait se méfier.

Elle finit par reprendre la parole et Ivor lui sourit en se levant, se rappelant de ses devoirs de gentilhomme. Pas besoin d'être devin pour savoir qui avait la préséance ici, et ça n'était certainement pas Ivor. Il la devinait comtesse, à tout le moins, au vu de sa tenue et de la richesse discrète de ses bijoux.

Dépliant sa fine silhouette drapée de noir et de gris, il salua avec son élégance coutumière.

-Vous pouvez, répliqua-il avec une impertinence soignée. Ivor de Taël, pour vous servir, ma dame.

Se redressant, il posa sur elle un regard aimable.

-Et à quel nom dois-je adresser mes louanges pour un si grand talent musical? Reprit-il en souriant.
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Ashling
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MessageSujet: Re: « L’ennui naquit un jour de l’Université. » [IVOR]   « L’ennui naquit un jour de l’Université. » [IVOR] EmptyVen 1 Juin - 15:45

La flatterie lui alla droit au cœur bien qu'elle ne soit pas de celle qui se laisse embobiner par ces douces paroles. Elle y goûtait comme un chat qui se régale d'une coupelle de lait et qui ensuite rit au nez de celui qui, en la lui offrant, pensait avoir le plaisir de recevoir une caresse en échange. Quand il se leva, elle put constater qu'il était grand. Bien plus qu'elle. Elle gardait en tête cette image de spectre qu'il ne faisait que renforcer: d'un mince presque effrayante, le teint très pâle, il était drapé dans un habit tout de gris, de noir et d'argent. Même ses prunelles avaient la teinte grise des broderies de son pardessus. Cependant, il était charmant pour un fantôme. Une raison de plus, avec les compliments, de se méfier de lui. Mais Ashling adorait se frotter aux personnes dont il fallait se méfier. C'était un jeu du chat et de la souris qui l'amusait beaucoup et dans lequel elle était plutôt douée.

« Et à quel nom dois-je adresser mes louanges pour un si grand talent musical ? »

Il avait une certaine effronterie dans la voix et le regard qui plut beaucoup à la demoiselle. Elle qui s'appliquait par bon nombre de détails à être à l'extrême limite de la bienséance, elle appréciait grandement de croiser une personne aussi insolente. Avec une grâce indéniable, elle se leva à son tour et retourna son sourire au jeune homme avec une pointe d'amusement dans le regard.

« Je crois me souvenir que mon professeur était M.Montebourg, harpiste talentueux s'il en est. Tous vos remerciements pour ce morceau devraient lui être dédiés. »

Elle observa la mine qu'affichait à présent son interlocuteur avec un air à la fois satisfait et joueur. Elle n'avait pas souvent l'occasion d'avoir des discussions de ce genre avec les personnes de son milieu aussi profitait-elle de l'ouverture pour s'investir pleinement dans le jeu. Il avait trouvé un adversaire si c'était un jeu qu'il voulait. Mais Ash n'avait pas le cœur assez froid pour le laisser sur une réponse si creuse. Amusée par son air, elle laissa échapper un rire avant de lui offrir sa plus belle révérence.

« Si c'est à l'élève que vous souhaitez vous adresser, je suis Ashling de Blanchebrume. C'est un réel plaisir de faire la connaissance d'un musicien aussi habile que vous. Moi qui pensais la noblesse faite uniquement de tristes gratteurs de corde... Merci de démentir cette impression. »

Oh qu'il était loin le noble Richard, son air austère, ses conversations brutales et terre à terre. La belle aurait cent fois préféré épouser une personne telle que celle qui lui faisait face qu'un ours mal léché comme son fiancé. Il était tellement étouffant de bêtise qu'il lui pourrissait la moindre de ses pensées. En retour, elle se plaisait à le comparer à chaque homme qu'elle rencontrait pour lui trouver plus de travers encore.

Reprenant en main la coupe qu'elle avait laissé sur la table, elle la porta à ses lèvres pour en vider un peu le contenu. Ce n'était pas correct de laisser une boisson à moitié entamée.

« Dites moi, que fait un fin pianiste comme vous à cette petite réception pas très conventionnelle ? »

Voila comment la noblesse pouvait envoyer des torpilles en toute élégance: elle venait de dire clairement que cette soirée était loin, très loin de ce que devait être une véritable réception et pourtant, elle avait enrobé la chose d'une telle manière que cela semblait être un compliment. Ash savait très bien que la maitresse de maison avait voulu mimé les grands bals donnés dans les hautes sphères mais faire passer cela pour une soirée volontairement bon enfant, c'était tout simplement parfait. Une personne bêtement terre à terre (elle en avait une en tête) aurait comprit cela. Mais elle s'adressait à un esprit bien plus fin qui comprendrait sans doute le fond de sa pensée.

A quoi bon cacher qu'elle n'aimait pas être là ? Elle s'était quand même réfugié dans la salle de musique, ce n'était pas pour prendre l'air mais bien pour fuir la masse grouillante. Une main posée sur la table pour y prendre appui, l'autre tenant la coupe, la pose lascive, la demoiselle scrutait de ses yeux bleus brillants le jeune Ivor face à elle.
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Ivor de Taël
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MessageSujet: Re: « L’ennui naquit un jour de l’Université. » [IVOR]   « L’ennui naquit un jour de l’Université. » [IVOR] EmptySam 2 Juin - 13:04

Tout bien réfléchi, la soirée allait être beaucoup plus agréable et beaucoup plus intéressante qu'Ivor ne l'avait cru au premier abord. Il ne put s'empêcher de sourire à la réponse de la jeune femme qui lui confirma son premier ressenti; la conversation allait sous de bons auspices et cette réplique à elle seule laissait présager de sa tournure d'esprit qui lui plaisait déjà beaucoup.
S'étant de nouveau assis à sa place, Ivor l'observait d'un regard attentif et amusé, répondant au sourire joueur de la jeune femme par la même expression, comme deux chats qui se guettent. D'une phrase, d'un mot, la joute était lancée et tout chez lui indiquait qu'il était tout prêt à s'y adonner avec la plus grande satisfaction. Ce beau parleur d'Ivor ne pouvait décemment pas laisser passer l'occasion d'avoir une instructive conversation avec une demoiselle d'aussi agréable compagnie, et dotée d'un si brillant esprit.

Il la laissa poursuivre, le coude posé sur le bord du piano et le menton appuyé sur ses longs doigts repliés. Ses yeux avaient un éclat vif dans la lumière douce dispensée par les lampes qui atténuaient la maigreur de son visage creusé; la lueur dorée projetée sur lui redonnait un peu d'éclat à son teint cireux et blafard, le faisait presque paraître en bonne santé si l'on ne s'attardait pas trop sur la finesse irréelle de ses mains et de ses poignets.

-Le plaisir est partagé, répondit-il avec un gracieux hochement de tête. Mais la franchise m'oblige à vous avouer que je suis moi-même encore aujourd'hui également un triste gratteur de cordes, bien que j'aime à leur faire des infidélités.

Il fallait aussi préciser qu'Ivor n'avait eu rien d'autre à faire de son enfance que jouer de tous les instruments qu'il pouvait trouver, ce qui pouvait avantageusement aider à ce qu'il sache maîtriser presque tout ce qu'il touchait.

Un sourire en coin lui vint quand elle reprit la parole.

-J'exerce dans cette maison la noble tâche d'éduquer les enfants de Monsieur et de Madame. C'est tout naturellement que je suis donc convié aux réceptions qui sont organisées, à mon corps défendant je dois dire.

Il arborait une expression malicieuse et amusée, comprenant très bien ce que la petite duchesse pensait de la fête donnée par les maîtres de maison. L'avantage de son rang était de pouvoir sans souci, et en toute élégance, se montrer tout à fait odieux avec les gens de plus basse condition sans que personne n'ait même le droit de se vexer. Ivor n'avait pas ce privilège, mais il se permettait tout de même un certain nombre d'impertinences qui passaient toutes seules sous le couvert d'un sourire. Dieu seul sait ce qu'il aurait pu faire ou dire s'il avait conservé son titre de comte...

-Je n'ai pas vraiment le goût des mondanités, et la modestie de ma condition me permet de m'en échapper sans que l'on me remarque. Vous en revanche... Ah, Madame doit être bien heureuse d'avoir une duchesse chez elle, je doute qu'elle vous laisse vraiment en paix.

Aucun doute là-dessus, il y aurait forcément quelqu'un pour aller s'enquérir d'Ashling sans tarder. Ivor n'était pas pressé de lever le camp, d'autant que la belle offrait un spectacle qu'il eut été fort dommage d'écourter. Plus il l'observait, chaque geste et chaque pose, la façon même de se tenir, plus elle lui faisait penser à un chat, et même l'éclat de ses yeux bleus, translucides comme des pierres d'eau claire, lui faisait penser à celui d'un félin.
Il sourit en songeant à la réaction qui serait celle de Madame et de ses invités; ça n'était pas la première fois qu'on trouvait Ivor en galante compagnie, et ça ne serait certainement pas la dernière. Mais une fois n'était pas coutume, il n'y était pour rien.
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Ashling
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MessageSujet: Re: « L’ennui naquit un jour de l’Université. » [IVOR]   « L’ennui naquit un jour de l’Université. » [IVOR] EmptySam 2 Juin - 15:37

Laissa échapper un rire discret. Oui, Madame était très heureuse d'avoir réussi à attirer une duchesse dans ses filets. On faisait difficilement plus prestigieux qu'avoir une personne au titre ronflant dans sa soirée. Ash était bien contente d'avoir son titre, même si parfois elle pouvait le trouver prétentieux. Il lui donnait accès à beaucoup de chose que son goût du confort ne pouvait qu'apprécier. Et surtout, il lui permettait d'être libre de beaucoup de chose. Elle soupçonnait d'ailleurs ses ancêtres d'avoir acquis ce titre pour cet avantages indéniable et pouvoir mieux cacher leur pouvoir. Dans son cas c'était cependant un peu vain étant donné qu'elle possédait une superbe paire d'oreilles pointues. Elle disait la plupart du temps qu'il s'agissait d'une malheureuse malformation de naissance et soutenait mordicus cette version mais certaines personnes n'étaient pas dupes. Dans ces cas, son titre ne lui servait plus à grand chose.

Au moment où il lui prédit des ennuis, la jeune femme entendit des bruits de pas dans le couloir. Elle poussa un soupir et eut un air ennuyé. Vraiment, elle n'y couperait pas à cette ennuyeuse cérémonie... Un valet avait été envoyé pour la chercher et l'appelait d'une voix inquiète.

« Et moi qui espérait m'être montrée assez désagréable pour pouvoir vaquer à mes occupations... Je crains de devoir retourner parmi les convives. »

A ce moment, le valet ouvrit la porte, très certainement attiré par la lueur des chandelles. Il tomba en arrêt devant la scène. Rien n'était indescend, un bon gros mètre séparait la demoiselle de son interlocuteur et rien n'indiquait qu'ils faisait autre chose que de parler. Cependant, une dame de noble naissance avec un précepteur, seuls dans une salle éloignée et presque plongée dans le noire était assez gênant. Ashling regarda en souriant le pauvre valet qui ne savait plus où se mettre. Elle ne voulait pas se montrer clémente avec lui:

« Et bien quoi ? Vous vous attendiez à autre chose peut-être ? Pour quelle raison vient-on me déranger en pleine conversation ? »

« Euh, je...Madame vous cherche Duchesse. Elle souhaite vous présenter à ses invités. »

« Ah vraiment ? Elle souhaite me présenter ? Suis-je sa fille ou peut-être son genre pour qu'elle se permette ce genre de familiarité envers ma personne ? »

« Non non ! Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire ! Elle souhaite simplement vous présenter quelques personnes dont elle espère que la compagnie vous siéra. »

La jeune femme se redressa et le fixa avec une intensité qui le fit se tortiller sur place.

« Soit. Veillez à ne plus commettre ce genre d'erreur, vous faites honte à la famille qui vous emplois. »

Elle fit quelques pas en direction de la porte avant de se tourner vers Ivor.

« Mon cher, me ferez vous le plaisir de m'accompagner ? Je serai ravie de pouvoir continuer cette discussion avec vous. »

La belle lui adressa un petit sourire où pointait une légère supplique. Elle ne voulait pas y retourner seule, c'était l'ennui assuré. Elle devrait s'y tenir encore une heure avant de pouvoir partir en prétextant un mal de tête ou un travail important le lendemain. Et une heure à regarder la populace bavasser de sujets tous plus mortellement ennuyeux les uns que les autres, non merci. Aurait-il assez bon cœur pour se sacrifier pour ses beaux yeux ? Il avait été clair, il détestait presque autant qu'elle cette soirée.

Le valet tenait dans sa main un chandelier. Il s'écarta pour laisser le passage libre bien que la jeune femme ait une robe sans volume superflu. La demoiselle sortit dans le couloir comme il l'y invitait et jeta un regard au musicien resté derrière elle. Elle ne souhaitait vraiment pas lui dire bonsoir si vite, il était la seule étincelle d’intérêt qu'elle voyait dans toute cette masse.
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MessageSujet: Re: « L’ennui naquit un jour de l’Université. » [IVOR]   « L’ennui naquit un jour de l’Université. » [IVOR] EmptyDim 3 Juin - 10:34

[je me suis permise d'anticiper un peu, si ça te plaît pas j'éditerai Smile]

Ivor, voyant ses paroles se réaliser dans la seconde, lui adressa un sourire désolé, se demandant combien de temps le valet mettrait à les trouver.

-C'est dans ces occasions que je me réjouis de la bassesse de ma condition, dit-il avec un soupçon de moquerie. Je ne pas assez bien né pour que ma présence devienne indispensable...

Le jeune homme ne se retourna même pas quand le domestique ouvrit la porte sur eux; la scène avait de quoi faire jaser malgré tout, et toute la maisonnée connaissait fort bien les manières d'Ivor en la matière, aussi l'homme ne fut pas dupe. Les oreilles du précepteur allaient siffler, sitôt revenu au milieu des convives, mais baste, ça n'était pas la première fois qu'il était surpris en galante compagnie. Et de plus, il était arrivé de nombreuses fois que la situation soit bien plus gênante.

Il eut un sourire en coin, roublard et amusé, jetant un regard insolent au valet. Ashling n'avait, semblait-il, pas non plus l'intention de se montrer clémente envers lui. Et Ivor ne ratait jamais une occasion de se moquer des petites gens qui travaillaient au service de Monsieur. Pas vraiment par cruauté de sa part, juste pour se distraire.

L'échange qui s'en suivit entre la petite duchesse et le valet le fit sourire encore, et il appréciait grandement la vivacité de la jeune femme et sa manière de s'exprimer, surtout quand il s'agissait de remettre les gens à leur place. Elle cachait à peine son mépris, et il ne pouvait que comprendre, lui qui était jour et nuit obligé de supporter les rodomontades de ces idiots qui affectaient les poses et les us de la noblesses sans n'en avoir pas la moindre parcelle dans le sang. De toute manière, ces bourgeois ignorants se faisaient une telle idée de l'aristocratie qu'ils ne se doutaient même pas que ceux qu'ils admiraient puissent être tout aussi, sinon plus, barbares et grossiers que le bas peuple. Ivor avait des exemples très clairs et très précis en tête, et un titre de comte n'avait pas suffit à son père pour l'empêcher de se conduire comme un rustre.

Ivor répondit à l'invitation d'un gracieux signe de tête.

-Je m'en voudrais de vous abandonner si tôt, ma dame, et ce serait un grand plaisir que de poursuivre là où nous en étions restés.

Ce disant il adressa un regard en coin au valet qui avait parfaitement saisi l'allusion, et qui connaissait assez le personnage pour savoir qu'il glissait des sous-entendus dans chacune de ses phrases dès lors qu'il était en compagnie d'une femme.

Il prit le temps, avant de la suivre, de souffler les chandelles, craignant sans doute l'incendie malheureux; il eut été dommage de laisser s'abîmer de si beaux instruments. Et puis il lui emboîta le pas, achevant de boutonner ses manches, lissant un faux pli sur un pan de son habit.
Le jeune homme dans une courbette prit le bras de la duchesse et, suivis par le valet dans ses petits souliers, ils revinrent vers la grande salle où la fête battait son plein.
Leur arrivée ne manqua pas d'être remarquée, et Madame, telle un iceberg drapé de soieries bleu pâle, fendit la foule avec empressement, fondant sur la duchesse comme un épervier sur sa proie. Il ne fallut pas trente secondes pour qu'ils soient noyés sous le flot de ses paroles, alors qu'elle fusillait Ivor d'un regard qui signifiait clairement "laissez la dame tranquille". Le précepteur s'arma de son plus suave sourire, celui auquel il savait que Madame ne résistait jamais, et ne lâcha pas prise alors qu'ils se voyaient embarqués dans un épuisant catalogue de figures sinistres et interchangeable devant lesquelles la dame se pavanait, fière comme un pape, avec Ashling comme trophée.

Ivor sourit en regardant la demoiselle du coin de l'oeil, se demandant combien de temps elle tiendrait avant de se dérober à nouveau.

-Courage, glissa-il très doucement à son oreille d'un air de conspirateur. Le calvaire est bientôt terminé...
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Ashling
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MessageSujet: Re: « L’ennui naquit un jour de l’Université. » [IVOR]   « L’ennui naquit un jour de l’Université. » [IVOR] EmptyDim 3 Juin - 15:12

La jeune femme se laissa mener avec un sourire. Il aimait décidément jouer la provocation et ça l'amusait. Après tout pourquoi pas ? Elle rendrait la soirée plus intéressant de cette façon. Et tout ce parterre de bourgeois bien gras sentirait à quel point un gouffre les séparait: elle d'un côté qui pouvait se permettre cette effronterie face à tout le monde sans se sentir menacée, et eux de l'autre côté qui au moindre faux pas sombreraient dans les tréfonds de la vilénie. Dès qu'ils furent en vue, la maitresse de maison lui bondit presque dessus pour lui présenter ces fameuses personne qu'elle pensait être de bonne compagnie pour la jeune demoiselle. Étant donné le regard qu'elle lança, il n'était pas du tout de bon ton que le précepteur reste à ses côtés mais celui-ci lui servit un sourire désarmant et garda bien serrée la main de la duchesse sur son bras. Celle-ci lui adressa un sourire malin pour le gourmander de torturer de cette façon la pauvre femme mais ne fit rien pour se dégager. Elle avait trouvé un allié, elle n'allait quand même pas s'en défaire. Mais il semblait traîner derrière lui une réputation qui faisait foncer les sourcils de plusieurs personnes. Un coureur de jupons ? Parfait ! Ash lui servirait de couverture quand il voudrait s'esquiver et conforterait son pouvoir de séduction. C'était un service comme un autre. De plus, s'il n'éblouissait pas par son physique, il n'était pas non plus désagréable à regarder et dégageait beaucoup de charme. Elle aurait put tomber plus mal en quelque sorte.

La ribambelle de M.Trucmuche et de Mme. Machin semblait s'étirer à l'infini et la duchesse n'en voyait pas le bout. A peine présentée à quelqu'un, elle n'avait que le temps d'échanger un mot ou deux avant d'être entraînée par la matrone vers une autre destination. Parfaitement polie, Ash n'en demeurait pas moins aussi glaciale que d'habitude. Belle mais intouchable, attirante et repoussante à la fois. Un art dans lequel elle était passé maître mais qui ne fonctionnait pas sur la seule personne qu'elle voulait vraiment faire fuir.

« Courage. Le calvaire est bientôt terminé... »

La jeune femme rendit un sourire aimable avant de lui glisser à son tour dans un soupir imperceptible:

« Puissiez-vous avoir raison...Il me tarde de rentrer chez moi. Merci de partager cette torture, elle me parait plus douce à vos côté. »

Loin d'elle l'idée de vouloir ouvertement aguicher le jeune homme mais elle ne pouvait pas nier que ce jeu du chat et de la souris se prêtait fort bien à sa personne. Et comme il ne lui était pas donné de côtoyer ce genre de personnage tous les jours, elle voulait en profiter autant que possible. Après tout, elle avait 23 ans et était une femme comme une autre, avec autant de désirs que n'importe quelle gueuse voir peut-être plus. Un autre avantages de la noblesse: la liberté que l'on pouvait avoir vis à vis de ses relations. S'il était de bon ton d'avoir un mari et d'être relativement fidèle, rien n'excluait le fait d'avoir amants ou maîtresses du moment que leur présence était discrète. Et surtout, Ashling refusait de se marier à cet animal de Richard Roncenoir en étant vierge. Depuis qu'elle avait eut une longue conversation avec sa mère à ce sujet, elle avait prit la décision de ne rien lui céder et surtout pas ça. Mais puisqu'elle avait encore quelques années de sursis, elle comptait les mettre à profit dans ce but. Le choix était large, elle n'avait qu'à attendre de trouver une personne digne d'intérêt. Et en dehors de cela, elle se plaisait à jouer ce petit jeu de séduction voilée.

« Ma chère, voici Lord Barrow et son épouse. Leur commerce de tissu est en plein essor en ce moment. »

« C'est un plaisir de vous rencontrer. Peut-être pourrons nous envisager une collaboration dans l'avenir si votre prestige continue de croître. Je serai ravie de travailler avec vous. »

Ne jamais oublier les affaires. Si cet homme d'un minceur alarmante et au visage outrageusement fardé venait à faire fortune prochainement, il était important de se tenir au courant et d'être en de bons termes pour peut-être conclure des accords. La mode des bijoux incrustés dans les habits en était à ses débuts mais prenait un tournant plutôt positif ce qui obligeait orfèvres et tisserands et couturiers à travailler ensemble. Ce n'était pas pour déplaire à Ash qui aimait sortir des sentiers battus. L'homme en face se fendit d'une belle révérence et si son air pincé et sa voix de fillette étaient proprement ridicule, il semblait avoir un peu plus d'esprit que les autres. Il pouvait réussir dans les affaires. Se montrant un peu plus chaleureuse avec lui Ashling le laissa avec un bonne impression ce qui était une chose plus qu'appréciable pour l'avenir. Mieux valait assurer ses arrières et au moins cette soirée n'aurait pas été une totale perte de temps.

« Oh regardez très cheeer ! Je vois là-bas M. Delange, le célèbre propriétaire des ateliers de sculpture sur marbre ! »

« C'est très aimable à vous mais il se fait tard et je me sens lasse. Il est temps pour moi de rentrer. »

« Oh, vous n'y pensez pas voyons ! La nuit est à peine tombée ! Restez donc ! »

La jeune duchesse était estomaquée de tant de grossièreté. Elle n'était pas une vulgaire paysanne qu'on inviter à déjeuner, ni même une amie avec qui on peut se permettre ces familiarités. Elle était oh combien plus noble et plus au-dessus dans la hiérarchie que cette bonne femme hystérique. Son regard se transforma en un gouffre glacé et une ombre passa sur son visage tandis qu'elle répondait froidement:

« Mais pour qui vous prenez vous à me parler de la sorte Madame ? Seriez-vous en train de m'ordonner de rester ? »

« Non non ! Bien sur ! Ce n'est pas ce que je voulais dire, je... »

« Sachez très chère que vous n'êtes pas en mesure de me dire si oui ou non il est temps pour moi de me retirer. Il eut été plus avisé pour vous de me raccompagner à la sortie pour me souhaiter la bonne nuit. Mais puisque vous semblez si dépourvue de manières, je saurai trouver moi-même la porte. Sur ce, je vous souhaite une excellente soirée. »

Et avec toute la dignité d'une reine, Ashling exécuta une courbette gracieuse avant de tourner les talons pour prendre la direction de la sortie. Profondément agacée, elle ne vit même pas que l'on s'écartait sur son passage. Ignorant totalement si Ivor l'avait ou non suivit, elle gravit les marches sans se presser mais avec fermeté et fit une sortie royale. Une belle leçon de classe pour tous ces prétentieux. Oui, la noblesse c'était aussi beaucoup de manières et d'apparences mais comme on se donnait du mal pour enseigner cela aux enfants, mieux valait utiliser ce savoir-faire somme toute superficiel que de le laisser aux oubliettes. Cela creusait un faussé entre noblesse et bourgeoisie, certes illusoire mais plutôt efficace.

Une fois sortis dans le hall, la jeune femme inspira et soupira pour détendre ses épaules et son humeur. Elle attendit qu'on vienne lui rendre la capeline dans laquelle elle était arrivée pour pouvoir sortir appeler sa voiture.
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Ivor de Taël
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MessageSujet: Re: « L’ennui naquit un jour de l’Université. » [IVOR]   « L’ennui naquit un jour de l’Université. » [IVOR] EmptyLun 4 Juin - 11:08

Comme prévu, dès qu'ils eurent été emportés par la hâte de madame à exhiber le beau trophée qu'était Ashling, tout fut d'un ennui mortel. Ivor cependant se permettait d'arborer un sourire discret devant les mines étonnées de certaines de ses connaissances qui se demandaient comment il pouvait se retrouver au bras d'une duchesse qui venait à peine d'arriver.
Le jeune homme écoutait d'une oreille les conversations, tout en se disant qu'il avait bien fait de fuir à toutes jambes le domaine de son père car il n'aurait jamais pu supporter de se retrouver dans de telles mondanités, à échanger des propos convenus avec des inconnus, et à élaborer des stratégies à faire pâlir un chef de guerre pour protéger ses intérêts. Tout cela était tellement, tellement rébarbatif, tellement compliqué aussi... Ivor n'aurait jamais voulu, pour tout l'or du monde, passer les quelques années qui lui restaient à vivre à s'ennuyer de la sorte. Pauvre Ashling... Il en aurait presque eu pitié.

Il se pencha à nouveau à son oreille, et il souriait, le bougre, voyant les regards se tourner vers eux alors qu'ils échangeaient à voix basse des paroles que personne ne pouvait entendre. Qui savait ce que ce diable d'Ivor pouvait susurrer à la duchesse? A voir les mines outrées, beaucoup avaient leur petite idée.

-C'est tout naturel, répondit-il doucement, avant de baisser d'un ton: je crois quant à moi que n'importe quelle torture serait un délice, à vos côtés.

Ah, il ne pouvait décidément pas s'en empêcher. Le jeune homme n'avait pas particulièrement de vue sur la petite duchesse, mais c'était ainsi, il n'arrivait jamais à rester sage en comapagnie d'une dame, surtout de si belle allure qu'elle, et surtout, surtout si ça pouvait faire scandale. Et puis, pour ce qu'il avait cru deviner, la jeune femme avait assez d'esprit et de caractère pour lui plaire, et surtout pour l'arrêter s'il allait trop loin.

Tandis qu'elle parlait, Ivor l'observait du coin de l'oeil, guettait ses gestes et ses expressions avec curiosité et intérêt, comme s'il essayait de la déchiffrer, déjà. A force de côtoyer de nombreuses personnes, il était devenu fin observateur, d'autant que souvent son avenir dépendait de ce qu'il savait déceler chez ses interlocuteurs, que ce soit pour les attaquer d'un bon mot, ou de savoir précisément comment les mettre dans sa poche. Ivor n'avait pour lui que le langage et l'esprit, aussi il tâchait toujours d'en tirer le meilleur parti. Dans ce monde, il était plutôt compliqué de jouir d'un certain confort sans force ni relations.

Et puisqu'on parlait de force... Sentant monter une quinte de toux, il pressa son mouchoir contre son nez et sa bouche, étouffant le bruit, et cachant surtout les quelques gouttes de sang qui perlaient à sa bouche. Une douleur fulgurante lui perçait la poitrine, et il sembla alors plus pâle que jamais tandis qu'il tâchait de ne rien trahir, comme toujours. Il bénit en silence Ashling d'être trop absorbée par sa conversation avec l'un de ses pairs pour songer à se mouvoir et même à le regarder. Les regards étaient hélas beaucoup tournés vers le jeune homme qui replia avec soin son mouchoir comme si de rien n'était, et garda son sourire, bien qu'un peu crispé, alors qu'il essayait de reprendre son souffle.
Ashling ne lui en laissa pas le temps, alors qu'elle annonçait à Madame l'imminence de son départ. Le petit esclandre qui s'en suivit eut au moins le mérite de distraire Ivor des tourments de ses poumons dévastés, et il s'effaça derrière la duchesse, la laissant s'en aller. Il salua la maîtresse de maison à son tour, et suivit en hâte la duchesse qu'il retrouva dans le hall.

-Je crois bien que Madame a compris la leçon, cette fois.

Il avait parlé d'une voix douce, n'ayant même pas assez de souffle pour s'exprimer à voix haute, mais assez d'habileté pour ne pas le montrer.
Silencieux comme un chat, il s'approcha d'elle, restant à une distance respectueuse, mais se permettant tout de même d'enfreindre cavalièrement cet espèce de périmètre convenable qui devait toujours séparer un homme et une femme seuls dans la même pièce.

-Ainsi, vous nous quittez déjà? J'osais espérer avoir le loisir de converser avec vous plus longtemps...

Se baisser pour lui faire un baisemain fut une véritable torture pour lui, mais comme il l'avait dit plus tôt sans -presque pas- mentir, n'importe quel tourment serait un délice à ses côtés. C'était peut-être un peu exagéré sans doute, mais toutefois l'idée y était, bien qu'il ne montrât rien des douleurs qui persécutaient et qui s'en allaient déjà.
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MessageSujet: Re: « L’ennui naquit un jour de l’Université. » [IVOR]   « L’ennui naquit un jour de l’Université. » [IVOR] EmptyLun 4 Juin - 17:27

Ashling n'avait peut-être pas l'ouïe aussi fine que quand elle était chat, mais elle restait très sensible aux bruits. Cependant, elle laissai Ivor s'approcher autant qu'il le souhaitait, n'étant plus à une inconvenance près. Un valet trottina vers elle pour lui apporter sa capeline et la lui poser sur les épaules. Tenant les deux pans de son manteau d'une main, elle céda l'autre au jeune homme qui l'effleura d'un souffle. Il avait l'air moins fringuant tout à coup, plus replié sur lui même. Peut-être qu'il n'était pas tout à fait guérit de la maladie qu'elle avait deviné sur ses traits ? C'était à peine perceptible, il jouait remarquablement bien la comédie mais elle avait apprit, grâce à ses excursions d'espionne en herbe, à remarquer ce genre de petit détail. La jeune femme lui adressa un sourire un peu désolé.

« Croyez bien que j'en suis navrée Ivor mais il ne m'est plus possible de rester ici. Si notre conversation a tant d'attrait pour vous, vous êtes le bienvenue dans ma demeure. »

Si elle avait été un homme, elle aurait put l'inviter à venir boire un verre pour terminer cette soirée de façon un peu plus inconventionnelle. Mais en temps que femme, elle ne pouvait surtout pas se permettre ça. Il pourrait d'ailleurs se méprendre et y voir une invitation d'un tout autre genre. Elle aimait parfois faire preuve d’impertinence et bousculer un peu toutes ces vieilles chouettes trop coincées en étant, pourquoi pas, au bras d'un coureur de jupons notoire. Mais il y avait des limites à tous les jeux et quand elle avait décidé de poser les siennes, bien mal avisé serait celui qui tenterait de les franchir malgré tout. Elle se laissa accompagnée à l'extérieur pour attendre son attelage.

« Faites moi plaisir Ivor: prenez soin de votre santé. Vous m'avez l'air un peu pâle. »

Loin d'être une moquerie, sa remarque sonnait bien plus comme une taquinerie doublée d'un réel conseil. Elle ne voulait pas apprendre sa mort dans les jours à venir à cause d'un surmenage.

« Si jouer de concert vous tente à l'avenir, je pense que vous pourriez être très satisfait du piano que nous possédons. Je suis prête à rémunérer ces leçons si c'est un soucis pour vous. J'ai besoin de reprendre cet exercice. »

Il était l'excuse et l'occasion rêvée pour se remettre à la harpe. Seule, ça n'avait pas le même charme que pendant des cours ou avec un accompagnateur. Et puis s'il lui rendait visite, elle aurait moins l'impression de subir son séjour. Bien qu'il soit encore un parfait inconnu pour elle, elle avait le sentiment qu'avec un peu de temps, elle pourrait apprécier encore plus leurs discussions.
Un carrosse tiré par deux chevaux à la robe sombre arriva en bas des marches. La duchesse se tourna vers son compagnon qui lui avait rendu la soirée bien plus douce et lui offrit un dernier sourire ravissant:

« Bien, il est temps de se séparer. J'espère avoir le plaisir de vous revoir très prochainement ou avant mon départ tout du moins. Passez une bonne nuit et merci d'avoir illuminé la mienne. » fit-elle avec un air mutin.

Une dernière révérence et la voila qui montait dans sa voiture, aidée du cocher qu'elle remercia d'un signe de tête. Posant une dernière fois son regard sur le jeune homme maladif qui l'avait accompagné, elle écouta le cocher ordonner le départ et les chevaux se mettre en marche. La demeure disparut rapidement tandis qu'ils s'engageaient dans les avenues. Une vingtaine de minutes plus tard, ils étaient de retour dans le petit parc devant la demeure des Blanchebrume. Fatiguée, Ashling fila immédiatement dans sa chambre sans prendre le temps de manger vraiment. Une fois seule, son balcon donnant sur l'arrière de chez elle, elle profita de l'intimité pour retirer vêtements et bijoux et goûter à l'air frais du soir sur sa peau. Les cheveux libres sur ses épaules et dans le creux de son dos, elle posa ses fesses sur le rebord de pierre et entreprit de brosser sa crinière immaculée en fredonnant vaguement ce qui lui venait en tête. Aurait-elle assez d'énergie pour faire une promenade nocturne ? Son hôte l'avait épuisée avec ces présentations éclairs et les jours précédents n'avaient pas été plus calmes. Un grand chat gris apparut alors et sauta à ses côtés sur la rambarde. La demoiselle le gratifia d'une caresse et d'un sourire. Lui il n'avait pas à s'en faire des mondanités. Quelle chance...

« Profites, gros paresseux. Moi je dois me farcir toutes ces mémères et leur époux ventripotent. »

Pas compatissant pour un sous, son ami se contenta de bailler pour enfoncer un peu plus le clou. Ash ne se vexa pas et termina simplement de brosser ses cheveux. Un courant d'air plus froid que les autres eut raison de sa résistance au froid et elle s'absenta un instant pour aller mettre sa chemise de nuit. Ayant horreur des grande blouses blanches que tout le monde portait, elle avait demandé à une couturière de lui en faire une assez courte pour être au-dessus du genoux, avec quelques dentelles et des bretelles plutôt que des manches longues. En riant, la couturière lui avait dit qu'elle lancerait peut-être une mode avec cet accoutrement. Pourquoi pas ? Plus courte que la chemise de nuit, Ashling portait des...Nuisettes ? Ça sonnait bien. Si elle échouait dans la vente de bijoux, elle pourrait toujours se reconvertir dans la mode, qui sait.

La nuit était superbe et mis à part ce petit filet d'air, on était dehors aussi bien qu'à l'intérieur. Jetant un coup d’œil à son chat qui se prélassait sur la pierre nue comme un bien-heureux, la jeune duchesse réfléchit à une idée qui venait de lui traverser l'esprit. Et si...Oui, pourquoi pas. Elle n'attendait personne le lendemain et les domestiques ne viendraient pas la déranger. De plus, elle était connues pour être un peu excentrique parfois. Ce serait une anecdote de plus sur sa bizarrerie non ? Et elle ne faisait rien de mal. Un sourire enfantin sur le visage, elle regagna l'intérieur de sa chambre d'un pas léger. Poussant et tirant, elle fit passer la montagne de draps et édredons qui couvrait son lit par la fenêtre qui donnait au balcon. L'aménagement pouvait commencer. Son balcon courait sur un mètre de chaque côté de la fenêtre et au centre il formait une avancée en demi-cercle. A cet endroit, comme dans un nid, la jeune femme posa plusieurs couches de tissu pour avoir un matelas confortable. Elle utilisa les deux draps restant et la couette en plume pour se couvrir. Deux polochons pour la tête et voila, elle était aussi bien que dans son lit mais avec le ciel au-dessus de la tête et l'air frais à respirer. Rester enfermée dans sa chambre pour y étouffer, non merci. Au pire, elle se changerait en chat et irait se cacher complètement sous les draps s'il ne faisait pas assez chaud. Mais elle n'était pas d'un naturel frileux alors elle profitait.
Adossée contre les piliers de pierre de la rambarde, la jeune demoiselle lisait tranquillement un roman d'amour qu'elle avait découvert peu de temps auparavant. La pleine lune au-dessus d'elle lui suffisait pour y voir et elle ne sentit pas ses pupilles se fendre et s'agrandirent au maximum pour lui permettre cela. De même qu'elle ne se rendit pas compte de la silhouette sombre qui sortait du petit bois au fond du parc et qui avançait la demeure sans se presser.

[HJ: Je te laisse le choix pour ta suite, tu peux décider que pour une raison ou une autre cette silhouette c'est toi ou alors que tu interviens pour l'arrêter (un truc dans le genre) ou alors tu pars te coucher sagement. J'ai prévu les 2 éventualités donc fait comme tu le sens =) ]
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Ivor de Taël
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MessageSujet: Re: « L’ennui naquit un jour de l’Université. » [IVOR]   « L’ennui naquit un jour de l’Université. » [IVOR] EmptyMar 5 Juin - 17:00

Attendant que la crise passe, Ivor afficha son air le plus désolé, celui qui le faisait ressembler à un petit chiot abandonné et qui lui servait toujours à amadouer les membres de le gent féminine qui avaient quelque chose contre lui, ou bien dont il espérait quelque chose. Cela ne fonctionna pas, et il se trahit soudain par la perplexité qui passa sur son visage et lui fit soulever un sourcil alors que ses yeux étaient gagnés par une froideur soudaine.
Sa santé? Diable, il n'avait pas été assez discret, cette fois... Et puis cette femme chat devait avoir l'ouïe fine, que n'y avait-il pas songé... Il était trop tard pour réparer l'erreur et puis de toute manière, la maladie se lisait sur son visage comme dans un livre ouvert.

Il fit une courbette encore un peu raide, malmenant ses pauvres poumons abîmés, alors que l'air frais de la nuit peinait à se frayer un chemin dans ses bronches.

-J'y veillerai, ne vous tourmentez pas à mon propos, répondit-il en souriant d'un air un peu crispé. Un peu de repos suffira et je serais frais et dispos afin de me présenter chez vous.

Difficile de croire que le simple repos suffirait à donner meilleure mine à ce semi cadavre, mais soit... La phrase qui suivit lui redonna en revanche un peu de couleurs et il sourit, s'inclinant de nouveau.

-C'est un honneur que vous me faites là, ma dame; je tâcherai de me montrer à la hauteur, bien que j'aie comme idée que je n'ai pas grand chose à apprendre à quelqu'un de si grand talent. Etre votre professeur sera un immense plaisir pour moi.

Et pour une fois, il était sincère. D'une part parce qu'un sou est un sou, et qu'il avait toujours besoin de remplir ses poches qu'il vidait avec tout autant d'application au quotidien, et d'autre part parce que qui disait donner des leçons de musique à une jeune dame signifiait une proximité certaine et la possibilité de converser en paix. Quoique, vu la réputation de joyeux drille que traînait Ivor, les pères répugnaient à laisser leurs jeunes filles entre ses mains sans chaperon, mais il savait faire avec cet obstacle. Et il ne doutait pas, qui plus était, qu'Ashling en ferait encore à sa tête, et n'aurait aucun mal à rester seule avec lui si elle le désirait...

Ivor fit un effort surhumain pour persister à faire bonne figure, et salua la petite duchesse très poliment quand son attelage arriva, effleurant du bout des lèvres sa douce main d'ivoire.

-Merci à vous d'avoir illuminé la mienne, répondit-il. Je me languis déjà de vous revoir, je ne manquerai pas de vous rendre visite très vite.

Il fut soulagé de la voir s'éloigner, bien qu'un peu chagriné par ce départ précipité. Cela lui laissa cependant tout le loisir de s'effondrer sur les marches du perron, ne pouvant plus réfreinter la quinte de toux qu'il sentait menacer depuis un long moment déjà et qui le laissa sans souffle, crachant dans un parterre le sang qui lui avait envahi la bouche. Le jeune homme resta là longtemps, incapable de se lever, et ce fut le secrétaire particulier de Monsieur, une des rares personnes masculines de la maison à être ami d'Ivor (parce qu'ils ne chassaient pas le même gibier), qui le trouva. Tout le monde l'avait vu s'éloigner en compagnie de la duchesse, et par acqui de conscience, le secrétaire était allé voir si, justement, Ivor n'était pas occupé à cracher ses poumons dans un massif de fleurs.
Il ramena son ami dans la salle, lui donna à boire, tant et si bien qu'Ivor termina la soirée rond comme une queue de pelle. Après plusieurs cruchons de vin, alors que la salle se vidait peu à peu et que ne demeuraient que les buveurs encore debout, les dames ayant émigré vers les salons moins bruyants et plus distingués, le musicien se sentait beaucoup mieux. Et pour cause, l'alcool anesthésiait son mal. Laissant l'assistance faire des pince-fesses aux servantes et plaisanter grassement dans le dos de leurs femmes, il alla faire un tour dehors, titubant un peu, et franchit les grilles du jardin encore ouvertes. Il marchait souvent en étant ivre, car c'était à peu près la seule activité physique qu'il pouvait se permettre. La crise avait fini par passer et il respirait plus librement, remplissant ses poumons d'odeurs de crottin et du parfum des fleurs écloses derrière les hauts murs des maisons bourgeoises.

A mesure qu'il s'éloignait de chez lui, une idée vint flotter dans les remous alcoolisés de sa ronde caboche. La douce Ashling ne devait pas habiter très loin, et une duchesse comme elle avait forcément une belle demeure où séjourner. Heureusement pour lui, la nuit était avancée, mais pas suffisamment pour avoir totalement vidé les rues très calmes du joli quartier bien propret où évoluaient encore quelques messieurs chaperonnant leurs dames, et des valets pressés qui couraient ça et là, les bras chargés de diverses choses car les caprices de leurs maîtres n'attendent pas.
Passé maître dans l'art de picoler comme un trou et de très bien le cacher à tout le monde Ivor interpela poliment un homme qui passait, et, tout aussi poliment, armé de son sourire le plus désarmant et le plus aimable auquel on ne refusait jamais rien, il lui demanda où se trouvait la demeure des ducs de Blanchebrume.

Ivor repartit au trot, en possession de la précieuse information. Il fallut encore un long moment de randonnée à travers les rues de la ville, et pendant ce temps, il prépara son entrée. Suivant de près un jeune couple, il avisa les bijoux de la femme, notamment une fabuleuse bague ornée de petits diamants qui jetaient des feux clairs à la lumière de la lune; de quoi ravir la petite duchesse, et de quoi aussi lui permettre de pénétrer dans son domaine sans efforts. Restait à mettre la main sur le bijou, mais ça...
Ivor interpela poliment le couple, s'en suivit un bref dialogue, et tout ce qu'ils purent voir c'était ce diable de jeune homme faire un baisemain très poli à madame, tout en lui retirant du doigt le beau bijou qui finit dans la poche de veste du filou. Celui-ci s'éclipsa en vitesse par une venelle latérale, courut quelques mètres et puis reprit une allure normale, comme si de rien n'était, alors qu'il entendait encore l'infortunée jeune dame pousser des cris d'orfraie devant la disparition de sa belle bague.

Tant pis pour la douce, Ivor en avait une autre à visiter ce soir.

Tout sourire, il se présenta au portier de la demeure d'Ashling, présentant le bijou en gage de sa bonne foi. Il expliqua patiemment que la duchesse venait de l'oublier à la soirée donnée par sa maîtresse, car elle l'avait ôté de son doigt pour jouer de la harpe et qu'on l'avait donc envoyé aussitôt pour la lui rendre en personne. Ivor insista là-dessus, tant et si bien, avec tellement de conviction que le portier qui avait envie de finir sa sieste le laissa rentrer. Mais au lieu d'aller frapper dans le hall, Ivor vérifia qu'il était bien hors de vue et disparut dans l'ombre, là où la grande allée qui menait au château était plongée dans le noir, trop loin des lanternes pour y voir. Il fila sur les pelouses, silencieux comme un chat, comptant les fenêtres en réfléchissant, jusqu'à arriver devant un balcon curieusement couvert de draps et de couvertures...
Il regarda autour de lui, pas un bruit, rien ne bougeait sinon la brise, et ce gros matou gris qui s'était perché sur la rambarde et le regardait de ses yeux perçants, et finit par lâcher un miaulement sonore quand le jeune homme passa son chemin.

S'il y avait quelqu'un dans les parages, il avait forcément entendu. Ivor s'immobilisa dans le noir, se glissa dans l'ombre du balcon, et pria pour que personne ne se pointe.
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Ashling
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MessageSujet: Re: « L’ennui naquit un jour de l’Université. » [IVOR]   « L’ennui naquit un jour de l’Université. » [IVOR] EmptyMer 6 Juin - 21:38

Ashling tourna son regard vers son ami à quatre pattes quand il poussa un miaulement sonore. Pourquoi faisait-il du raffut tout à coup ? Étirant le bras jusqu'à lui, elle le gratifia d'une caresse.

« Qu'est-ce qui te prend tout à coup à vouloir hurler à la lune comme ça ? »

Le chat sauta sur les draps et poussa un nouveau miaulement plus doux. Quand était sous forme humaine, difficile de saisir tout ce qu'il voulait dire mais elle comprenait l'essentiel. C'était plut un sentiment qu'une véritable compréhension à vrai dire. Les sourcils froncés, la demoiselle se leva et se pencha par-dessus la rambarde pour regarder dans la parc. Rien en bougeait et il ne semblait y avoir personne. Pourtant, même si Griffe vieillissait, il gardait une très bonne vue. C'était donc que quelqu'un s'était caché dans les environs.
Attentive cette fois à ce qui se trouvait sous elle, Ash scruta les ombres pour essayer de percevoir un mouvement. C'était bien sa veine, un voleur pile la nuit où elle décidait de faire du camping sauvage sur son balcon...
Un bruit, léger mais pas inaudible, attira son regard bleu un peu plus sur la droite. Penchée en deux , la tête presque en bas, elle devina alors une silhouette dans les ténèbres. Mauvaise cachette. D'un ton qui ne souffrait pas d'être contre dit, elle ordonna au rôdeur de se mettre à découvert.

« Ça suffit, qui que vous soyez je vous conseille de sortir de l'ombre sur le champ. Je n'hésiterai pas à lâcher les chiens pour vous débusquer s'il le faut. »

On ne contrariait pas une Blanchebrume sans conséquences. Et même si la duchesse avait un peu de mal avec les chiens, ils étaient parfois bien utiles.
L'intrus sortit de sa cachette de lui même pour se mettre plus en vue, à la clareté de la lune. Ce teint blafard, ces traits creusés et ce sourire affables, elle ne pouvait pas être en train de les imaginer.

« Vous m'avez fais peur Ivor. Mais qu'est-ce que vous faites là enfin ? Au beau milieu de la nuit, dans mon jardin, sous ma fenêtre. Vous seriez-vous découvert une passion de maraudeur ? Ou de jardinier peut-être ? »

Ça pour une surprise, c'était une surprise. Elle voulait bien admettre qu'ils s'étaient bien entendus tout les deux, qu'ils avaient peut-être échangé deux ou trois mots doux pour le jeu mais elle ne pensait pas qu'il pousserait jusqu'à venir lui compter fleurette sous son balcon... Il n'y allait pas de main morte. Les mains appuyées sur la rambarde de pierre froide, la demoiselle ne savait pas trop quoi faire de ce visiteur. Elle était en petite tenue mais ça, ce n'était pas un problème: elle était très peu pudique au fond. En revanche, elle se voyait mal entamer une conversation à cette distance et à cette heure tardive.
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Ivor de Taël
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MessageSujet: Re: « L’ennui naquit un jour de l’Université. » [IVOR]   « L’ennui naquit un jour de l’Université. » [IVOR] EmptyMar 14 Aoû - 19:24

Ivor se figea dans le noir. Sacrebleu! Foutu matou. Mais la voix qui résonna avec force dans le jardin sous la lune lui parut familière et alors qu'il avançait dans la lumière à contrecoeur, il reconnut sa jolie cavalière du soir. Bonne pioche!
En un instant, la fausse mine contrite et inquiète de marmot prit sur le fait s'effaça derrière un beau sourire alors qu'il s'avançait un peu plus, le nez levé vers elle. C'était la scène rêvée de tout roman, de toute chanson, le pâle et sombre jeune homme qui se tenait au pied du balcon de la belle... Il rit intérieurement en constatant leur différence; lui le noiraud maigrelet, avec sa tête d'angelot fraîchement déchu, et elle blonde et fine, lumineuse et gracieuse comme une madone.

Et puis elle le reconnut enfin et il se fendit d'un sourire d'excuse, exécutant une petite courbette, comme un Pierrot en habit noir tout juste sorti des ombres.

-Ah, ma chère, vous me disiez tantôt de venir vous voir dès que ma santé me le permettrait...

Il se redressa, le coin de la bouche soulevé dans une expression de malice qui faisait pétiller ses yeux sombres d'un feu nouveau. Il écarta légèrement les bras.

-Et bien c'est voilà chose faite, reprit-il. Me voici à votre porte, frais et dispos.

Ménageant ses effets, il tira de sa poche le bijou qui étincela dans un rayon de lune, comme façonné de perles d'eau claire et de lumière forgée.

-J'ai cependant prit soin de ne point me présenter à vous les mains vides, ç'eut été inconvenant, dit-il avec une petite moue modeste, comme s'il ne présentait que quelques fleurs des champs, qu'un menu présent, une bagatelle symbolique.

Vu l'effort nécessaire pour obtenir la chose, c'était effectivement peu ou prou la même valeur, cela dit. Il sourit, roublard comme le renard aux pieds du corbeau, à ceci près qu'on ne décelait chez lui aucune duplicité, juste le plaisir du jeu, juste l'envie de s'amuser un peu. Il avait cru deviner chez la petite duchesse un penchant pour l'excentricité -sinon pourquoi aurait-elle aménagé le balcon de la sorte?- qu'il se faisait fort d'exploiter à sa guise.
C'était aussi pour cela qu'il avait eu envie de lui rendre visite, intrigué qu'il était, et puis amusé aussi par ce caractère qu'il devinait bien trempé et qui lui plaisait déjà.

Ivor sourit, tendant la bague dans sa direction.

-Dois-je m'élever, ou attendre que vous veniez?

Il souriait, le bougre, comme une invite. A elle de choisir, elle avait tout à fait les moyens et le droit de le mettre dehors comme un malpropre, mais à quoi bon? Pourquoi ne pas profiter d'une promenade au clair de lune? Il y avait de ces moments où on eut donné sans peine le visage d'Ivor au serpent tentateur de la légende. Il tendait la bague et son sourire comme le serpent avait présenté la pomme. Avec un peu moins de funestes conséquences à la clef, peut-être...
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